Les femmes artistes au musée Thyssen
Après avoir parlé ici des femmes artistes présentées au musée du Prado et des représentantes du modernisme au musée Reina Sofia jetons un œil aux grandes femmes artistes du musée Thyssen !
Le Thyssen n’est pas issu des collections nationales espagnoles, mais d’une initiative privée. Exposant depuis 1993 les œuvres acquises par le Baron Heinrich Thyssen-Bornemisza et ses descendants, il permet de traverser l’art occidental du gothique à l’art moderne et contemporain.
Le musée offre pourtant très peu d’œuvres de femmes artistes en ses murs, si l’on compare notamment avec le Reina Sofia. Plus étonnant encore, il ne conserve aucune artiste espagnole ou d’Amérique latine, bien qu’il tente ces dernières années d’y remédier avec des expositions temporaires. Découvrons donc 4 des 6 artistes présentes dans les collections du musée !
1. Angelica Kauffmann (1741-1807)
Peintre d’origine suisse, Kauffmann est une dessinatrice précoce qui profite de ses voyages en Italie et en Autriche aux côtés de son père pour s’exercer, et devient ainsi portraitiste avant même ses 15 ans. Alors que les femmes sont alors interdites d’accès aux modèles nus et donc aux cours de dessin anatomique, elle réussit à entrer à l’Académie de Rome grâce à l’étude des sculptures classiques, et peint des scènes historiques ; un format généralement réservé aux hommes, contrairement au portrait.
Alors que la mode est au retour à l’Antiquité gréco-romaine, Angelica Kauffmann décide d’aller où cette tendance est la plus marquée : à Londres. Elle y devient une peintre à succès et fait partie des membres fondateurs de l’Académie royale des Arts.
Et c’est bien un portrait néoclassique que présente le musée Thyssen ici : la figure de la vestale, prêtresse de la Rome Antique, étant entourée d’objets antiques (la sculpture de Minerve, la guirlande de fleur, le serpent enroulé…). Alors qu’elle laisse un fond à peine esquissé, l’artiste s’attache plus aux détails du visage et du drapé, montrant toute sa maîtrise des corps et des postures.
2. Gabriele Münter (1877-1962)
Parmi les pionniers de l’expressionnisme allemand d’avant-guerre, rares sont les figures féminines. Pourtant Gabriele Münter a participé à la création de mouvements artistiques, de cette époque, comme “Cavalier Bleu”. Proche de Wassily Kandinsky, on voit une évolution claire de son travail du figuratif à l’abstrait au fur-et-à-mesure de ses rencontres et de ses voyages. Sa maison de Murnau en Bavière est un lieu de réception d’intellectuels, ainsi et d’expérimentation, et les artisanats de la région (notamment célèbre pour la peinture sur verre) jouent un grand rôle dans sa pratique picturale. Son quotidien est un véritable lieu d’entraînement.
Münter a environ 30 ans lorsqu’elle se représente sur cet autoportrait conservé au musée Thyssen. Le tableau reste dans les collections de l’artiste toute sa vie, ce n’est qu’à sa mort que ses ayant-droits s’en sépareront.
3. Natalia Goncharova (1881-1962)
Natalia Goncharova est une grande artiste féministe russe. Connue pour son talent, elle inspire aussi de nombreuses autres femmes pour sa vie moderne et libre. Elle naît dans une famille rurale, à Negaevo, et étudie à l’école de peinture de Moscou, où elle rencontre Mikhaïl Larionov, qui devient son compagnon pour la vie.
Ses œuvres sont inspirées à la fois des traditions russes, notamment des icônes religieuses et de l’art populaire, mais en même temps se modernisent quand elle découvre le cubisme et le futurisme. Elle participe à l’invention du rayonnisme, qui tend à plus de mouvement dans la peinture grâce à l’étude et la déconstruction de la lumière. “Les pêcheurs” montre bien sa capacité à reprendre l’esthétique traditionnel russe tout en insufflant un dynamisme à la scène.
Goncharova bénéficie de sa première rétrospective à l’âge de 32 ans seulement, et ne cessera de lutter pour les droits des femmes, insistant sur la nécessité de la confiance en soi pour réussir.
4. Georgia O’Keeffe (1887-1986)
« On ne peut pas peindre New York telle qu’elle est, mais telle qu’on la ressent.” Georgia O’Keeffe est une représentante célèbre à l’international de la peinture abstraite aux Etats-Unis. Née dans le Wisconsin, c’est une amoureuse de la nature, qui se distingue par son étude des formes et des couleurs avec des végétaux et des coquillages. Mais elle a aussi peint la ville de New York, ses gratte-ciel, ses lumières et le sentiment d’enfermement dans lequel cela pouvait parfois la plonger. Cette diversité de sujets est bien présente dans les collections du Thyssen.
Alors que Georgia O’Keeffe souhaitait exposer ses peintures de New York dès 1925, son mari, Alfred Stieglitz, refuse car elles ne sont pas assez “féminines” et qu’il est selon lui trop dur de représenter l’architecture, “même pour un homme”. C’est un an plus tard que la créatrice pourra exposer ce tableau, qui se vend en moins d’une heure. Georgia O’Keeffe dira elle-même : « À partir de ce moment-là, ils m’ont laissé peindre New York ».
Ainsi, des femmes artistes de grand renom sont présentes dans les collections du Thyssen, auxquelles s’ajoutent des peintres françaises aussi célèbres, telles que Berthe Morisot ou Sonia Delaunay. Il faut donc être curieux et averti pour trouver les œuvres des créatrices dans les musées du Paseo del Prado, mais elles font partie de l’histoire de l’art à Madrid aujourd’hui, dont vous pouvez découvrir la Promenade des arts grâce à nos free tour Madrid .