Goya et l’Ermitage de San Antonio de la Florida
Si vous vous baladez à Madrid, non loin de la rivière du Manzanares, au pied de la montagne de Principe Pio, vous tomberez peut-être sur une toute petite et pourtant magnifique chapelle appelée San Antonio de la Florida, et dont les peintures murales ont été réalisées par nul autre que Francisco de Goya, le très célèbre peintre espagnol !
Mais pourquoi “San Antonio de la Florida” ?
L’ermitage est dédié à Saint Antoine de Padoue, un franciscain portugais du XIIè siècle, canonisé de son vivant pour avoir accompli des miracles et guérisons à Lisbonne, et qui connaît au XVIIIè siècle une dévotion populaire très importante, de nombreux Madrilènes célébrant chaque année son pèlerinage, le 13 juin. C’est pour cette raison qu’en 1732, une chapelle est bâtie pour son culte, et qu’après moultes déplacements et reconstructions, le roi Charles IV lui donne son emplacement actuel, proche du Real Sitio de la Florida, domaine royal aménagé sur l’ancien verger du même nom. Ces palais et jardins royaux n’existent plus aujourd’hui, mais constituaient un véritable joyaux d’architecture composé d’un palais somptueux, de jardins sur plusieurs niveaux, de vergers, d’un pigeonnier, d’une étable et de fontaines. C’est le prince Francesco Pio de Savoie qui l’acquit et lui donna cette splendeur, et, encore quelques siècles plus tard, légua le titre à la montagne comme à la gare ferroviaire de “Prince Pio”.
C’est donc un monarque Bourbon, Charles IV, qui acquiert finalement le domaine et décide de confier l’architecture néo-classique du nouvel ermitage à Felipe Fontana en 1792, et la décoration intérieure à Francisco de Goya (1745-1828), qui y sera enterré. C’est le seul vestige qu’il nous reste aujourd’hui de cette propriété de la Couronne.
Tout le talent de Goya
Lorsque l’on pénètre à l’intérieur de la chapelle, on est directement frappé par la douceur des fresques réalisées par Francisco de Goya. Bien que Saint Antoine ait vécu à Lisbonne au XIIè siècle, ce sont plutôt les paysages madrilènes du début du XIXè que l’on aperçoit.
Fidèle à ses préférences, le peintre représente avec allégresse des personnages contemporains de son époque, et les coutumes espagnoles qu’il a rendu immortelles dans ses cartons de tapisserie pour le palais royal de Madrid comme dans ses toiles exposées au musée du Prado. Proche des idées des Lumières et d’intellectuels humanistes, Goya se plaisait en effet à illustrer la société traditionnelle madrilène de la fin du XVIIIè et début du XIXè siècle, ses métiers, ses habits, ses loisirs et ses fêtes, mettant en lumière les classes populaires et travailleuses qui font l’énergie de la capitale.
Bien que commandée pour une chapelle, l’œuvre ne présente que très peu de symboles pieux, et plutôt que d’insister sur les miracles accomplis par San Antonio – on peut tout de même voir le saint ressusciter un homme dans la coupole de l’édifice – Goya nous montre là encore plutôt les pèlerins issus du peuple venant lui vouer un culte. D’ailleurs, les croyants sont peints aux côtés de Saint Antoine, peu soumis à la hiérarchisation habituelle des décors d’églises.
Et ce ne sont pas les seules libertés prises par l’artiste ; les anges peuvent aussi nous surprendre ! Bien que décrits comme n’ayant pas de sexe dans la théologie, ils sont ici peints sous des traits féminins complètement nouveaux.
La qualité de l’oeuvre et l’intention mise par Goya dans ce travail en trompe l’oeil explique que l’artiste, bien que décédé à Bordeaux, en France, soit aujourd’hui enterré à l’intérieure de l’ermitage, représentatif d’une des périodes les plus heureuses de sa vie, où il recevait commandes et privilèges et pouvait retranscrire la joie de vivre des habitants de sa ville.
Un monument bien protégé
Afin de préserver ces fresques, le bâtiment a non seulement été classé Monument Historique en 1905 par l’Espagne, mais a aussi été tout simplement dédoublé quelques années plus tard !
Une première chapelle, l’originale, nous permet de découvrir les œuvres de Francisco de Goya et de se recueillir sur sa tombe, tandis que la seconde, une copie, est dédiée encore aujourd’hui au culte de Saint Antoine de Padoue dans le calme que cela nécessite.
Devant l’entrée de ces monuments, la statue de Goya avec sa palette nous accueille dans son quartier, lui qui avait choisi de vivre ses dernières années à la capitale près du Manzanares.
Jusqu’en 2005, trois campagnes de restauration ont été menées pour offrir ces chapelles à la visite gratuitement pour tous. Alors n’hésitez pas à y passer lors de votre séjour à Madrid !
Et pour en savoir plus sur l’histoire de la ville et sur Francisco de Goya, venez nous rencontrer lors d’une visite guidée de la ville et du musée du Prado, n’hésitez pas à faire notre free tour Madrid . Nous attendons à bras ouverts !