Les femmes artistes au Prado
Parmi les presque 8000 peintures et sculptures présentées , la part de femmes artistes au Prado est très importante. Mais la part de femmes créatrices est elle bien plus réduite. Sur l’ensemble des 1700 pièces exposées dans le parcours permanent du musée, seules 9 oeuvres créées par des femmes sont présentées, la 10ème étant la porte d’entrée de l’extension de le cloitre des Jeronimos, réalisée par Cristina Iglesia, dont nous parlions ici-même.
Cette absence des artistes femmes serait dû tout simplement au fait que les femmes n’ont pas pu accéder au rang d’artistes pendant longtemps ? Pas seulement. Nombreuses étaient celles qui apprenaient dans l’atelier familial ou de façon autodidacte, ne pouvant accéder à des formations académiques. Mais malgré leur succès de leur vivant, rares sont celles qui nous sont parvenues.
Comment expliquer ce manque alors ? Les hommes auraient-ils eu plus de talents pour rester dans l’histoire de l’art ? Absolument pas. Mais l’histoire de l’art, comme toute discipline, est aussi le résultat d’une société et de ses travers. Le XIXème siècle a été particulièrement terrible pour elles, puisque les historiens de l’époque les ont tout simplement écartées des musées qui ouvraient alors et des ouvrages d’histoire de l’art. Parfois même, l’attribution des œuvres leur a été fatale, et on relève encore aujourd’hui des erreurs, leurs peintures étant au nom de leurs pères, collègues, ou professeurs.
Alors tentons justement de mettre en lumière les 4 artistes peintres présentées au musée du Prado !
1. Sofonisba Anguissola (1530-1626)
Peintre de la Renaissance italienne, elle devient portraitiste de la cour d’Espagne après avoir rencontré la reine Elisabeth de Valois, épouse de Philippe II, pour qui elle travaillera comme Dame d’honneur et professeure de dessin. Comme souvent pour les femmes artistes, elle n’a pas les moyens de traiter d’autres types de tableaux que le portrait, mais ses dessins retrouvés plus tard montrent une volonté de s’attaquer aux scènes de genre ou aux paysages. Elle est la 1ère artiste femme à entrer dans les collections royales du Prado. Malheureusement, l’incendie de l’ancien palais royal de Madrid en 1734 explique la disparition de certaines de ses œuvres, mais surtout de ses archives, et son nom est oublié lorsque plusieurs de ses travaux sont attribués à Alonso Sanchez Coello, son collègue à la cour espagnole.
2. Clara Peeters (1580/90-1657)
C’est la peintre la plus représentée au musée du Prado!
Née probablement à Anvers, elle commence à travailler très jeune (première œuvre à 14 ans) et devient pionnière dans les natures mortes, et surtout dans la représentation de petits-déjeuners luxueux, souvent associés à des objets précieux (coupes, vases, bijoux…), peints sur un fond très sombre. Elle utilise ces sujets pour se représenter parfois, dans le reflet d’un métal notamment. Dans “Nature morte aux noix, friandises et fleurs”, exposé au Prado, il faut par exemple regarder en détails le tableau (ci-dessous) pour l’apercevoir dans le reflet de la théière en arrière-plan.
3. Artemisia Gentileschi (1593-vers 1656)
Née à Rome, Gentileschi devient une peintresse reconnue dans le monde baroque. Ne pouvant accéder à l’Académie, elle intègre l’atelier d’Agostino Tassi, qui la viole puis refuse de la marier, aboutissant à un procès très douloureux pour elle. Ce ne sera pas sans conséquences sur son œuvre, dramatique et parfois violente. Elle se marie et quitte finalement Rome pour Florence, elle devient une peintre reconnue, elle vend beaucoup et apporte même les principales sources d’argent de son foyer. Elle atteint les cours européennes, telles que celles de Charles Ier d’Angleterre ou des Médicis en Italie, et devient la première femme à être nommée illustre de l’Académie des arts de Florence. Artemisia Gentileschi se distingue aussi par la représentation de scènes historiques ou religieuses, auxquelles les femmes n’avaient pas accès. Ses œuvres seront régulièrement attribuées à son père, et le travail d’inventaire de ses peintures n’est pas encore complètement achev
4. Rosa Bonheur (1822-1899)
Peintre française aujourd’hui très célèbre, Rosa Bonheur s’est fait connaître pour sa capacité à représenter la nature. Elle étudie au musée du Louvre à seulement 14 ans, et est déjà exposée au Salon à Paris 5 ans plus tard. Elle est la 1ère femme à recevoir la légion d’honneur en France, mais intégre aussi l’Académie des Beaux Arts d’Anvers ou la Société des artistes Belges. Son style naturaliste et ses dessins anatomiques lui ont permis d’atteindre l’excellence dans la représentation animale, elle-même propriétaire de nombreux animaux de compagnie, dont certains très singuliers (chèvres, lion, cerf…).
Rosa Bonheur croyait fermement à l’égalité des femmes et des hommes, et s’est battue pour vivre de son travail toute sa vie. Elle a dû pour cela passer par des étapes absurdes, comme celle de demander l’autorisation à la préfecture française de porter un pantalon dans le cadre de son travail.
Le travail de reconnaissance des femmes artistes au Prado et dans les musées d’art classique est donc encore en cours partout en Europe, et révélera encore peut-être des créatrices dans les années à venir.
En attendant, grâce au travail des graphistes de Verne, blog du journal El Pais, vous pouvez télécharger un plan de leurs oeuvres dans le musée du Prado
Alors ne manquez pas d’aller les voir lors de votre prochaine visite !
Nous vous attendons à bras ouverts lors de notre prochaine free tour Madrid en français !